LIRE, VIVRE, PENSER
« Il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir des livres », Paul Auster, Brooklyn Follies, 2005
Depuis des siècles différents penseurs, écrivains et médecins apportent leurs réflexions quant aux effets thérapeutiques et cathartiques de le lecture. Voici quelques repères chronologiques et des personnes phares ayant mené à la naissance d’une réelle terminologie pour « le soin par les livres et les textes ».
- Au IVe siècle av. J.-C., Aristote, philosophe fondateur de la métaphysique, exprime que le livre est cathartique donc thérapeutique.
- Au XVIe siècle, Montaigne écrit que la seule thérapie qui perdure au long de la vie est « la compagnie des livres ».
- Au XIXe siècle, John Stuart Mill, philosophe anglais, met l’accent sur les effets réparateurs de la lecture en particulier de la poésie. Il reconnaît que le la lecture des poèmes de Worsdworth, l’aide à calmer ses fréquents accès dépressifs.
A l’aune du XXe siècle, la naissance de la psychanalyse et de la « thérapie par la parole » amèneront progressivement une définition de la « bibliothérapie ».
- Années 1920. C’est aux Etats-Unis grâce à Sadie Peterson Delaney (1889–1958) . D’abord travailleuse sociale, elle poursuit sa carrière dans les bibliothèques de New York en facilitant l’accès aux livres aux populations « éloignées » de la culture et en particulier auprès de la population afro-américaine. Elle perçoit très rapidement le pouvoir des livres. Elle convainc ses pairs que la lecture et les livres sont une ouverture sur le monde et permettent au lecteur de se recentrer, de s’évader du quotidien, de se sentir moins isolé et, d’un point de vue sociologique, de se sentir l’égal de l’autre. En 1924, sa pratique reconnue, l’Administration des Vétérans lui demande de rejoindre l’équipe de l’hôpital militaire de Tuskegee (Alabama) où sont traités des vétérans de guerre afro-américains souffrant de handicaps et/ou de troubles psychiques ou mentaux. En quelques mois, le nombre de livres de la bibliothèque se multiplie, une émission de radio est créée et sa pratique s’avère complémentaire à la médecine classique.
Sadie Peterson Delaney reste aujourd’hui une véritable pionnière dans le domaine. - En 1961, la première définition du mot « bibliothérapie » apparaît dans le Webster Dictionnary (dictionnaire de référence de l’anglais américain) :
« La bibliothérapie est l’utilisation d’un ensemble de lectures sélectionnées en tant qu’outils thérapeutiques en médecine et en psychiatrie. Et un moyen de résoudre des problèmes personnels par l’intermédiaire d’une lecture dirigée »
Depuis, cette pratique s’est répandue, en particulier aux USA au Royaume-Uni.
- 1997 – création de « The Reader » au Royaume-Uni.
- 2004 – Naissance de la Fondation pour la Bibliothérapie « Re-Lit » au Royaume-Uni.
Jeu de mot entre le mot « littérature » et « light », la lumière en Anglais, littéralement « Rallumer » par la littérature. La bibliothérapie comme lumière et comme réactivation. Cette fondation est créée par les 2 écrivains reconnus Paula Byrne et Jonathan Bate, mais aussi des praticiens médicaux (médecins généralistes, psychologues) et des universitaires.
En France, la pratique de la bibliothérapie reste peu connue. Ce sont, en particulier les 3 ouvrages et personnalités suivantes qui ont permis à la bibliothérapie de trouver un écho plus large :
- 1994 – BIBLIOTHÉRAPIE. Lire c’est guérir de Marc-Alain Ouaknin
Marc-Alain Ouaknin est Docteur en philosophie, Directeur du Centre de recherches et d’études juives à Paris, Professeur de littérature comparée à l’université de Bar-Ilan (Israël).
- 2002 – ÉLOGE DE LA LECTURE. La construction de soi de Michèle Petit
Michèle Petit est anthropologue au LADYSS (CNRS/Université Paris I). Après une étude sur la lecture en milieu rural, elle a coordonné une recherche sur le rôle des bibliothèques dans la lutte contre les processus d’exclusion.
- 2015 – LES LIVRES PRENNENT SOIN DE NOUS. Pour une bibliothérapie créative de Régine Detambel
Elle publie son premier ouvrage en 1990. Kinésithérapeute de formation mais écrivain de destination, elle publie des romans, des textes brefs, des essais, des pièces radiophoniques, des livres pour la jeunesse, ainsi que des ouvrages numériques. Elle est également formatrice en bibliothérapie créative.